Témoignage. Matériaux authentiques au lycée
Les efforts pour utiliser des matériaux authentiquesen cours de langue, sont-ils toujours couronnés de succès ? Loin de là ! Le témoignage de William, 16 ans, élève au lycée, illustre certains des éccueils dans lesquels il vaut mieux ne pas tomber (cf notre ebook à ce sujet).
Ratage en cours d'allemand
La semaine dernière, raconte William, son professeur d'allemand introduit son cours comme étant un peu différent. Cette fois-ci, on va se pencher sur une actualité issue du site Deutsche Welle. Celle-ci est consacrée au réchauffement climatique. Le professeur d'allemand introduit donc son sujet. Il fournit quelques mots clef de vocabulaire. Puis il lance la bande son (il n'y a pas de visuels). Le silence se fait. Toute la classe s'absorbe dans l'écoute. L'épisode est assez court (moins de 5'). Il est ciblé "niveau B1" ce qui est censé être le niveau de la classe.
Certains lycéens prennent des notes, d'autres se figent.
- Interessant, nicht (intéressant, non) ? L'audio s'est arrêté et le professeur d'allemand regarde sa classe avec anticipation. Pourvu que la mayonnaise prenne ! Que les élèves aient compris ! Qu'il y a de quoi nourrir une discussion intéressante ! Mais nombre de regards sont perdus dans le lointainn ça n'augure rien de bon...
- Was habt ihr alle verstanden, poursuit le professeur... (qu'avez vous tous compris) ? C'est sa première question, très générale.
Question qui tombe immédiatement à plat. Pourquoi ? William nous expliquera sans effort que ...
- C'est impossible de réagir intelligemment quand on a à peu près rien compris...
- Poser des questions de compréhension pour un ou deux mots, ça irait. Mais comment faire lorsque ce sont trente mots qu'on n'a pas compris, et qu'il aurait fallu noter ?
- Personne ne veut passer pour un imbécile. Il y a, dans sa classe, quelques garçons qui ricannent bêtement lorsqu'on se trompe. Le professeur ne les a jamais recadrés. Alors les élèves préfèrent se taire.
Alors il y a juste le fayot de service, qui parle bien l'allemand pour des raisons familiales, qui contribue quelques platitudes. Le professeur d'allemand cherche donc à relancer.
- Was wurde über Schneekannone gesagt ? (Qu'a-t-il été dit au sujet des canons à neige ?). Puis ensuite "Welche Lôsungen schlagen Sie zu diesen Problem vor ?" (Quelles solutions proposez-vous pour ce problème.
Mêmes causes, mêmes effets... Le succès n'est pas plus au rendez-vous. Les lycéens se regardent un peu désemparés, le professeur comprend (tardivement) qu'il n'en tirera pas grand chose de plus. On passe à autre chose et l'expérience est remisée au placard.
Une démarche alternative
Souhaitant creuser l'affaire, nous proposons à William d'écouter ensemble un autre épisode de Deutsche Welle, niveau B1. Cette fois-ci, l'épisode est consacré au vingtième anniversaire de Facebook. Nous constatons que ce site est vraiment bien fait. En plus de l'audio, on y trouve le script, des exercices d'applications, etc. Nous demandons à William de commencer par jouer l'audio, et lui demandons à la fin, ce qu'il en a compris. A peu près rien, dit-il avec un soupir. Tout allait beaucoup trop vite pour lui. Il estime qu'il a besoin de comprendre au moins les 2/3 des mots pour pouvoir faire l'impasse sur les autres. Or ce n'est pas le cas.
Il est d'autant plus embêté que, l'ortographe allemande ne tombant pas toujours sous le sens, il ne sait pas forcément comment faire chercher dans un dictionnaire en ligne, puisqu'il faut pouvoir écrire le mot pour cela. Par ailleurs, jouer l'audio phrase par phrase serait laborieux et lassant. Nous lui suggérons d'oublier l'audio, de travailler à partir du script. Celui-ci fait un total de 306 mots, ce qui paraît peu. Nous mettrons quand même une heure pour à en venir à bout. Ça peut paraître long, mais William est tout content quand il a terminé. Il comprend, il maîtrise, il a vaincu la bête, il termine sur un boost émotionnel positif.
Nous lui demandons de relire l'ensemble du script à voix haute, ce qu'il fait avec brio. Nous rejouons l'ensemble de l'audio. Tout lui paraît désormais facile et logique. Il relira d'ailleurs le script, de sa propre initative le lendemain, pour s'assurer qu'il comprend toujours tout, car c'est un élève ambitieux.
Pas de méthode, pas de résultat
Nous faisons pour terminer le bilan de l'expérience avec William, et il en ressort plusieurs points importants.
- Les matériaux authentiques proposés par Deutsche Welle ne sont ni très authentiques, ni très intéressants. Le réchauffement climatique ? William est saturé, les profs en parlent tout le temps. Facebook ? Il imagine vaguement que c'était un truc à la mode à l'époque de ses grands parents. Sa génération a lui ne se fatigue plus avec Facebook...
- Ce qui lui a plu le plus, c'est de pouvoir piloter son propre apprentissage. Il était aux commandes. Et comme c'est un garçon consciencieux avec le sens des détails, il a vraiment tout recherché, absolument tout. D'autres élèves auraient procédé différemment. L'essentiel, c'est qu'en se pilotant lui-même, il a pu adapter la séquence pédagogique à ses propres besoins.
- Il s'est montré tout aussi impressionné que nous par le temps qu'on y a passé (1h20 au total environ, contre 15' à l'école). Mais le temps est passé vite, il ne l'a jamais vécu comme pesant.
- A la fin, le fameux sentiment de fierté que nous documentons dans notre ebook est au rendez-vous. William est super content d'y être arrivé. Et il a déjà commencé à réfléchir comment il va trouver d'autres matériaux, un peu plus authentiques et surtout plus intéressants, pour continuer à apprendre de la sorte.
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