Le bilinguisme est-il dangereux ?

 

- Vous n’avez pas peur pour l’enfant ?

- Peur … Euh … Non

- Vous savez que le bilinguisme peut entrainer des états de confusion mentale, si c’est mal géré ?

- Ah bon ?

- Et des troubles de la personnalité susceptibles d’apparaître des années plus tard ?

La pédiatre de la famille s’inquiète pour la santé mentale de notre fils aîné, 3 ans, qui se débrouille plutôt bien en français et en anglais et qui lui, ne voit aucune raison de ne pas apprendre les deux langues. A vrai dire, elle ne fait que réagir comme la plupart des professionnels français que nous avons rencontrés. La directrice de la crèche, les assistantes maternelles, les professeurs du primaire. Tous ou presque ont eu un mouvement de recul.

- Quoi ?! Vous parlez anglais à votre fils ?

- Yes.

- Vous n’avez pas peur que cela entraine des difficultés ?

- Ben … Non.

- Vous savez qu’il peut avoir plus de mal à apprendre le français ?

- Plus de mal non. Cela peut lui prendre plus de temps. 

Ces craintes sont évidemment infondées. On sait effectivement que le bilinguisme peut retarder de quelques mois l’acquisition initiale du langage – mais qu’il se traduit ultérieurement par une amélioration notoire des capacités cognitives des enfants. Dit crûment, les enfants bilingues sont plus intelligents. Ils sont aussi plus concentrés, ont de meilleures facultés d’attention et passent plus facilement d’une activité à une autre, comme l’explique la spécialiste du bilinguisme Ellen Bialystok de l'Université de York au Canada.

CocoricoPourquoi tant de réticences, répandues aussi bien à l’Education Nationale que dans les milieux médicaux ? Cette aversion ne visait pas initialement le bilinguisme français – anglais, plutôt diffusé dans les familles internationales et les milieux aisés. Selon Christine Hélot, Britta Benert, auteurs de Penser le Bilinguisme Autrement, ces craintes résultent de la guerre qui a été faite au patois (lorrain, alsacien, breton, provençal, langue d’oc, catalan, basque, et tous les autres) qui ont été activement combattu par les élites, du début 19ème jusqu’au milieu du 20ème siècle. Le Docteur Edouard Pichon fut le grand théorisateur de ce combat, diffusant des théories fumeuses : le bilinguisme rendrait stupide, le bilinguisme fabriquerait des citoyens aux valeurs morales douteuses. Ecoutons-le : « Le bilinguisme est une infériorité psychologique. Cette nocivité du bilinguisme est explicable ; car, d’une part, l’effort demandé pour l’acquisition de la seconde langue semble diminuer la quantité disponible d’énergie intellectuelle pour l’acquisition d’autres connaissances. D’autre part et surtout, l’enfant se trouve ballotté entre des systèmes de pensée différents l’un de l’autre ; son esprit ne trouve d’assiette ni dans l’un, di dans l’autre, et il les adultère tous les deux… Sa croissance intellectuelle n’est pas doublée, mais diminuée de moitié, son unité d’esprit et de caractère a beaucoup de peine à s’affirmer ».

Inutile de dire que tout cela est faux, archifaux, et amplement contredit par toutes les études modernes. Le bilinguisme n’est pas une tare, mais un atout, qu’il s’agisse de l’anglais, du chinois ou de l’occitan. Reste que les idées du Dr Pichon sont encore bien présentes… 

Autres questions: 

Le billinguisme rend-il plus intelligent ?